Du midi bravant la chaleur,
Et voltigeant de fleur en fleur,
Une laborieuse abeille
Y recueillait le miel doré.
Un lion dormant dans un pré,
Tout à coup se réveille ;
Tourmenté par la faim,
Il guette, tend l'oreille,
Écoute, mais en vain.
Il voit dame abeille, et, sur l'heure,
Projette, en la suivant des yeux,
De la surprendre en sa demeure
Pour faire un repas délicieux.
Mais, bien haut, dans un arbre creux,
De sa récolte printanière
Elle a déposé le trésor,
Et le lion en rugit de colère.
« Va, dit-elle, mon pauvre hère,
Tu n'es pas toujours le plus fort ;
On ne plaint pas le sort
D'un assassin plein d'injustice.
— Assassin !... soit, dit le lion,
Mais je n'ai point ton avarice,
Plus que tout autre on liait ce vice.
D'une généreuse action
Du moins mon grand cœur est capable ;
Ali ! qu'un avare est méprisable !
Nourri dans des sentiments bas,
Son âme s'endurcit et son esprit s'égare.
L'on a vu quelquefois d'illustres scélérats,
Mais jamais un illustre avare. »