Le Jardinier et le Groseiller Antoine Vitallis (1749 - 1830)

Mon fils, de ta faible raison
Il est bien tems de faire usage ;
C’est précisément à ton âge
Que le travail est de saison.
Tu doubleras ta jouissance
En le mêlant à tes amusements :
Aux jeux de ta première enfance
Dérobe donc quelques moments.
Je vais te conter une fable
Dont les acteurs sont sous tes yeux ;
Ce que l’on voit se comprend mieux,
Et le faux parait vrai, dès qu’il est vraisemblable,
Dans une haie, au bord d’un grand chemin,
Un groseiller croissait, sans soins et sans culture ;
A peine montrait-il quelque peu de verdure ;
Mais pour du fruit ! pas plus que sur ma main.
Un jardinier le prit ; le mit en son jardin,
Dont la terre était préparée ;
Engrais, labours et tout ce qui s’ensuit,
Rien ne fut épargné ; dès la première année,
Le groseiller fut tout couvert de fruit,
Les noirs soucis, la jalousie,
Mille chagrins, mille dégoûts
Sont les épines de la vie ;
C’est la haie où nous naissons tous ;
Le groseiller, dans l’état de nature,
C’est toi, mon fils, en ce moment ;
Le jardinier, c’est moi, certainement ;
L’étude sera la culture,
Et le fruit sera le talent.



Fable dédiée au fils de l'auteur, 7 ans au moment de sa rédaction.

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