Mon fils, de ta faible raison
Il est bien tems de faire usage;
C’est précisément à ton âge
Que le travail est de saison.
Tu doubleras ta jouissance
En le mêlant à tes amusements :
Aux jeux de ta première enfance
Dérobe donc quelques moments.
Je vais te conter une fable
Dont les acteurs sont sous tes yeux ;
Ce que l’on voit se comprend mieux,
Et le faux parait vrai, dès qu’il est vraisemblable,
Dans une haie , au bord d’un grand chemin,
Un groseiller croissait, sans soins et sans culture ;
A peine montrait-il quelque peu de verdure ;
Mais pour du fruit ! pas plus que sur ma main.
Un jardinier le prit ; le mit en son jardin,
Dont la terre était préparée ;
Engrais , labours et tout ce qui s’ensuit,
Rien ne fut épargné ; dès la première année,
Le groseiller fut tout couvert de fruit,
Les noirs soucis, la jalousie,
Mille chagrins, mille dégoûts
Sont les épines de la vie ;
C’est la haie où nous naissons tous;
Le groseiller , dans l’état de nature,
C’est toi, mon fils, en ce moment ;
Le jardinier, c’est moi, certainement ;
L’étude sera la culture,
Et le fruit sera le talent.
Fable dédiée au fils de l'auteur, 7 ans au moment de sa rédaction.