Sous les murs d’une ville,
Un Pauvre soignait un jardin.
On l’y voyait soir et matin
Promener la serpe docile,
Et, d’une main habile,
Inexorable en son dessein,
Détruire la branche inutile
Et chaque brin
D’herbe dangereuse ou stérile.
Aussi fallait-il voir
Comme son clos était fertile !
Jamais rien n’y trompait l’espoir.
Ce Pauvre était heureux. Mais hélas ! sur la terre,
Jamais n’est constant le bonheur.
Une loi juste, loi sévère,
Nous y condamne à la douleur.
Un beau seigneur du voisinage
Acheta le petit jardin,
Et notre vieillard, un matin,
Abandonna son héritage.
Comme il souffrit ! Comme, la larme aux yeux,
A chaque arbre il fit ses adieux !
— Je vous avais plantés, j’espérais votre ombrage,
Disait-il ; la Divinité,
Je la bénis de ma misère ;
Le bon Dieu veut, en vous changeant de père,
Récompenser votre fécondité.
Moi je suis pauvre, et la prospérité
Du jeune maître est l’apanage.
Vous aurez un plus gras terreau,
Et votre jardinier nouveau
Aura pour vous force et courage,
Et ce clos deviendra plus beau.
Me voici, moi, tout cassé de vieillesse
Et je vais mourir de faiblesse.
Consolez-vous ; chargez-vous de bons fruits.
J’habiterai dans votre voisinage.
Toujours, ô mes arbres chéris,
Avec un cœur et des yeux attendris,
Je verrai le jardin qui fut mon apanage,
Et je vous aimerai jusqu’au bout de mon âge. —
Soumettons-nous, ne disons rien,
Quand un mal nous amène un bien.