Viens, mon enfant, saute sur mes genoux. Embrasse-moi, ma Caroline ; Encore, fort bien ; sur ta bouche enfantine, Que je cueille à mon tour le baiser le plus doux. Mais quoi ! tu me parais chagrine ! Serait-il arrivé malheur à tes joujoux ? Ta bonne contre toi serait-elle fâchée? Ou bien toi contre ta poupée ? Serait-ce ce pain sec que je vois dans la main, Qui, par hasard, causerait ton chagrin? Et la pomme qu’on t’a donnée ! Qu’on as-tu fait ?… tu las mangée ! Elle eut accompagné ton pain. Si tu l’avais mieux ménagée. Ecoute à ce propos un récit qu’on m’a fait : Dans une salle, en un trou du parquet, Une souris s’étant nichée, Matin et soir faisait curée De tout ce qui tombait Et de la table et du buffet. Dieu ! quelle heureuse destinée ! Des reliefs tant qu’on en voulait, Grand appétit, point de minet ! Pour le bonheur ma souris semblait née; Mais en est-il, ici-bas, de parfait ? Ou, s’il en est, a-t-il quelque durée ? Le maître du logis, un beau jour entreprit En lointain pays, un voyage, Ou tout son monde le suivit. Durant un mois entier le couvert ne se mit ; Plus de biscuits, plus de fromage ! Adieu festins; mais non pas l’appétit; Satisfait, c’est plaisir; frustré, c’est pis que rage ; Le passé n’y fait rien ; l’avenir n’y suffit ; C’est le présent qui le soulage. Si la souris avait été plus sage, Quand chaque jour, soir et matin. Vingt mets étaient à son usage, Elle aurait dû songer au lendemain ! Pour ne l’avoir pas fait elle mourut de faim. La prévoyance est nécessaire; Elle s’étend sur tout; mais celle que j’entends, Sans contredit est la plus salutaire ; A tout âge ma fille elle consiste à faire Provision de vertus, de talents. Pour n’en pas manquer dans le temps.





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