La Souris et la Marmotte Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Une pauvre souris, sans amis, sans parents,
Succombant sous le poids des ans,
Par le besoin pressée, entreprit un voyage.
En haletant, elle marchait,
Soufflait, toussait, crachait,
Gomme on fait à son âge.

Une marmotte, à son passage,
En la plaignant, lui dit :
« Bonne vieille, dans nia demeure,
De feuilles sèches est un lit,
Venez, reposez-vous une heure.
— Je suis bien sensible à ce soin,
Répond la voyageuse ;
Mais je vais encor loin
Et l'atmosphère est orageuse.
— Quelle affaire ?...— Une affaire ? hélas !
La misère presse mes pas.
Au léopard, chef de cette province,
Je vais demander des secours ;
Car de ce noble prince,
Jadis, j'avais sauvé les jours.
— Vous ? — Il dormait dans la bruyère,
Quand un lion, de carnage altéré,
Et secouant son horrible crinière,
Sur lui s'élance... il l'aurait déchiré
Sans moi... — Sans vous ? Que pouviez-vous, de grâce
— Le réveiller, et c'est ce que je lis ;
Lors, n'étant pas surpris,
Il combattit avec audace.
Je vais lui rappeler
Mon bon office ;
Ah ! qu'il va me combler
De cent biens, pour un tel service !
— Écoutez moins vos désirs ;
Vos espérances sont vaines !
grands, ma chère, aiment trop leurs plaisir
Pour s'occuper de nos peines ! »

Livre VI, fable 16




Commentaires