L’eau bénite de Cour Augusta Coupey (1838 - 1913)

Une biche éprouvée — il en est en ce monde,
Ne voyait à brouter pas une herbe à la ronde.
La disette, en forêt, comment se procurer
Provende pour se restaurer ?
Elle s’adresse au bouc, le cousin de son père,
Gros sire possesseur d’un hectare de terre.
Il caresse bichette, admire ses yeux noirs,
Dit qu’il apparaîtra chez elle un de ces soirs
Avec gazon nouveau. Nonobstant, la cousine
Pressera le loquet de l’étable voisine.
Le taureau l’habitait. Le bouc serait surpris
S’il ne lui donnait point grands bois et prés fleuris.
Rien que cela, Seigneur !… tant qu’à vous le promettre
Dans le sac aux présents pourquoi ne pas tout mettre ?
Le panier aux oublis encor plus en contient
De ces paroles-là dont nul ne se souvient.
La biche obéissante expose sa détresse
Gentiment au taureau. Le galant s’intéresse
À son sort malheureux. Mais, sans le moindre prêt,
La biche est renvoyée au fond de sa forêt.

Elle attendait en vain le gazon, la litière
De nos deux prometteurs. Sur l’aride bruyère
La pauvrette pleurait, murmurant à son faon :
Ils avaient, mon petit, l’air si bon et si franc,
Que je n’hésitais pas un moment à les croire.
Un cerf lui répondit : Vous avez une histoire
Commune à tous les gens auxquels on fait le tour
De les bien asperger d’eau bénite de cour.

Ainsi résumons-nous : espoir qu’on éternise,
Obligeance d’amis qui ne se réalise.
Indigne en est le jeu, car déçu doublement
Le cœur blessé deux fois l’est bien mortellement.

Livre I, Fable 3




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