Le Berger et le Loup Augusta Coupey (1838 - 1913)

J’ai quatre-vingts moutons, dix brebis, cinq agneaux,
« Je les embarquerai quelque jour sur les eaux,
« Et traversant les mers, j’irai vendre leur laine
« Aux Anglais qui sauront rémunérer ma peine. »
Colin n’achevait pas… qu’un loup se dit : tout beau !
Avant qu’ils soient vendus j’aurai part à leur peau ;
Sur elle j’ai des droits meilleurs que l’Angleterre,
Ne suis-je pas Français et de père et de mère ?
Le sang se doit au sang ! affamons l’étranger,
Qu’il reste sans habit et sans rien à manger.
Là-dessus sire loup avec patriotisme,
Accomplit bravement un acte d’héroïsme
En emportant moutons, brebis, agneaux, sous bois,
Où leur exquise chair nourrit le franc Gaulois.

Quand Colin recompta le nombre de ses bêtes,
Il vit avec douleur qu’il lui manquait neuf têtes.
Les pleurer fut son lot, c’est celui de beaucoup,
Car les moutons comptés s’en vont avec le loup.

Livre I, Fable 2




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