Des biches et des faons vives sont les alarmes,
Au fourré le tocsin sonne l’appel aux armes.

De vigilants guetteurs signalent des guerriers
Sous peau de tigres noirs franchissant les halliers.
Le cruel ennemi perfidement s’avance,
Son attaque éclaircit les rangs de la défense :
Il blesse le daguet, étrangle le dix-cors,
Dévaste la forêt qu’il a jonché de morts.
Pour lui, c’est crime grand que d’oser le combattre,
On doit baiser ses pas, le laisser vous abattre
Sans protestation. — Un timide chevreuil
Qui de tous ses parents portait, hélas ! le deuil,
Défendait le fourré teint du sang de son père :
Il est fait prisonnier. Et le Conseil de guerre
Condamne l’orphelin, victime du devoir,
À mourir dévoré, sur place, avant le soir.
Les tigres très jaloux d’accomplir les prouesses
Des modernes héros… avec joie et liesses
Arracheront le cœur du chevreuil expirant.
Dans leur cercle d’enfer le pauvret palpitant
Tombe martyrisé. Le soupir qu’il exhale
Passe sur la forêt comme un vent de rafale.
Les lions effrayés, aux tigres inhumains
Jettent ce cri vengeur : Assassins ! Assassins !
Ce cri les poursuivra de tanière en tanière ;
Ils seront méprisés par le fauve à crinière ;
Et comprendront un jour l’unique cruauté
Qui met la tache au front de l’immortalité !

Livre IV, Fable 5




Commentaires