Un ormeau prêtait son ombrage
Au jeune fils d'un grand seigneur ;
Mais l'arbre, tous les ans, perdait de son feuillage,
Et, loin de prospérer, périssait de langueur.
L'enfant, au jardinier, vint un jour porter plainte :
Mon cher Jean, lui dit-il, je suis bien malheureux ;
L'arbre que je chéris dessèche sous mes yeux ;
De le voir bientôt mort j'ai la plus vive crainte.
Rien ne lui manque ici pourtant ;
Bon terrain, du soleil rien qui le contrarie ;
Bien enclos, abrité de la fureur du vent,
Toutes les douceurs de la vie !
Jean répliqua : je ne vois qu'un moyen ;
Voyez là-bas sur la colline,
Où le grand vent domine,
11 faut là planter l'arbre, il est ici trop bien.
Cela dit, on transplante.
Ce n'est plus le zéphir qui règne dans ces lieux ;
Un vent impétueux
Agile l'orme et le tourmente.
La mollesse et l'oisiveté
Du tronc de l'arbre désertèrent,
Et les bourrasques" ramenèrent
Rameaux touffus, force et santé.
On pense bien que Jean, fort de l'expérience,
Fit ressortir tous les défauts,.
Et tous les maux
Qu'engendre l'indolence.
Et puis il ajouta que l'orage grandit
Qui sait lui tenir tète.
Comme cet arbre, enfant, résiste à la tempête ;
Tu parviendras, Jean le prédit.
Enfin pour terminer par un trait de science :
Chaque arbre, ajouta-t-il, a des goûts différents ;
L'un se plaît dans le calme, et l'autre aux quatre vents.
Assignons le terrain propice à chaque essence ;
D'être à sa place, ou non, lu vois la différence :
Ceci s'applique à tout, aux arbres et aux gens.