Un Lis régnait dans un jardin ;
On le croira sans peine :
Il est le roi des fleurs dont la rose est la reine.
Tandis qu'il remplissait son glorieux destin,
Non loin de lui, rampait sous la pelouse
Une Ronce. 101 Une Ronce ! Oui ; notre jardinier
Soignait peu son jardin ; il était casanier.
Or, la Ronce, du Lis en secret fort jalouse,
Aspirait à le détrôner ;
La chose lui paraît facile ;
Il s'agit seulement, par quelque tour habile,
De parvenir à le cerner.
Quelques toufses de Violettes,
Au pied du Lis goûtaient un doux repos.
La Ronce les connaît discrètes ;
Les aborde en rampant, et leur parle en ces mats :
« Reines de ce jardin, car, Dieu merci, vous l'êtes,
» Malgré ce vil usurpateur ;
» Des arbustes, des fleurs de tout le voisinage,
» Je vous porte un arrêt juste autant que flatteur :
« Par leur unanime suffrage,
>> Qu'ils vous transmettent par ma voix,
» C'est vous seules ici qui dicterez des loix.
» Je vais porter au Lis cet important message ;
" Daignez donc jusqu'à lui me livrer le passage. »
Que l'attrait de l'empire a sur nous de pouvair !
La Ronce est crue ; au pied du Lis elle se glisse
Sans se laisser apercevoir.
De sa jalouse rage, instrument et complice,
Sa dent qu'anime une aveugle fureur,
Enlace, mord le Lis dont bientôt le calice
Sur sa tige tombant, a perdu sa splendeur :
La Ronce enfin va voir sa victoire complète.
Témoins de cet affreux malheur,
Tous les sujets du Lis, hormis la Violette,
Font éclater leur profonde douleur ;
Toutes les fleurs sont en alarmes,
Et même de la Rose, on vit couler les larmes.
De cet événement le jardinier instruit,
De sa paresse enfin a reconnu le fruit.
Il s'approche du Lis, avec soin l'examine,
Voit la Ronce cruelle, et, soudain, furieux,
L'arrache jusqu'à la racine.
Le Lis reprend bientôt son éclat radieux,
Et, fidèle à sa destinée,
De rejetons laissant une longue lignée,
Garde à jamais l'empire assigné par les dieux.
Telle, des factions méprisant l'insolence,
Nous verrons à jamais la France
Vaincre leurs complots ténébreux.
J'en atteste ton nom, toi, modèle des preux,
Ô CHARLES ! dont ce jour voit célébrer la fête !
J'en appelle aux transports et d'ivresse et d'amour
Dont le panache blanc balancé sur ta tête,
Fit palpiter nos cœurs à ton heureux retour.
La foi, l'honneur et le courage
A ce panache ralliés,
Feront expirer à tes pieds,
Des factieux l'aveugle rage.
En vain la Ronce au Lis a livré le combat ;
La Ronce subira son sort inévitable ;
Et, comme le Lis de ma fable,
Notre Lis brillera d'un éternel éclat.