Un pilote éprouvait un horrible malheur ;
Il avait perdu sa boussole,
Et contre son vaisseau tous les ensans d'Éole
Exerçaient à l'envi leur rage et leur fureur.
Lancé sur les écueils de la liquide plaine,
Il ne peut plus guider ses matelots :
Contre les vents, contre les flots
Comment tenir une route certaine ?
À la clarté de la lune qui luit,
Il cherche en vain, pendant la nuit,
Cet instrument dont la perte l'accable ;
Il ne le trouve point. Par un cri lamentable
Tout l'équipage est instruit de son sort.
Chacun, pour éviter le naufrage et la mort,
Sur le vaisseau court cherchant la Boussole ;
Nul ne la trouve : on se désole.
Un sage, alors, fait entendre sa voix.
Amis, dit-il, quelle erreur est la vôtre !
Cette Boussole, je la vois
Dans le Ciel ; celle-ci sans doute vaut bien l'autre.
Pour lors, aidé de son savoir,
Après avoir contemplé les étailes
Qu'un Ciel serein lui laissait voir,
Il dirigea si bien les rames et les voiles
Que, du naufrage préservé,
Tout l'équipage fut sauvé.
Ô vous, pilotes politiques !
Voulez-vous préserver des tempêtes publiques
Le vaisseau de l'État,
Et prévenir maint attentat ?
Que le Ciel soit votre Boussole.
Il a parlé : toujours sa voix,
Nous prescrivant de douces loix,
Et nous instruit et nous console.
Fortifiez ces lois de tout votre pouvair ;
Pour les faire régner, mettez tout en usage ;
Si vous les méprisez (le passé l'a fait voir),
Rien ne garantira le vaisseau du naufrage.