Le Chien de Berger et son Fils Auguste Rigaud (1760 - 1835)

Un vieux chien de berger causait avec son fils.
Père, dit celui-ci, d’où vient que notre maître
Prend tant de soin de ses brebis ?
Tous les jours on les mène paître,
Et le soir chaudement on les place au logis.
Toutefois leur troupe bêlante,
Aussi stupide qu’indolente,
N’est bonne à rien, à rien du tout ; et nous
Pendant le jour, pendant la nuit obscure,
Malgré les vents et la froidure,
Nous gardons les troupeaux, nous attaquons les loups.
Et messieurs les bergers, pour toute nourriture,
Quand ils ont fini leur repas,
Nous donnent quelques os qu’ils ne mangeraient pas.
Tiens, répond don Grognard, vois là-bas, je te prie,
Cette maison. —Eh bien ? — C’est une boucherie,
Où ces chères brebis, composant le troupeau
Que tu crois si digne d’envie,
Vont tombant tour à tour sous Le fatal couteau.

Celui qui croit avair la fortune contraire,
S’il connaissait de son voisin
Les tribulations, la peine, et la misère,
Souvent et très souvent rendrait grâce au destin.





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