Deux rats, l'un campagnard, l'autre qui vivait dans de riches greniers, avaient fait société et se traitaient tour à tour. Le citadin alla le premier dîner à la campagne, qui alors se couvrait de jaunes épis ; il n'eut à ronger que quelques maigres racines toutes couvertes d'une terre noire et humide : « Tu vis comme une misérable fourmi, dit-il à son compagnon ; dans ton trou, tu n'as que quelques méchants brins pour nourriture ; mais moi, j'ai tout en abondance et à profusion. Comparé à toi, je vis dans la corne d'Amalthée. Si tu veux venir avec moi, tu feras bonne chère, tu en auras ton soûl ; laisse les taupes fouiller la terre. D Il emmena notre campagnard, et lui persuada de venir habiter avec lui le toit de l'homme. Puis il lui montra des sacs de blé, des tas de légumes, des tonnes de figues, des cruches de miel, des monceaux de dattes. L'autre, tout aise, se sentait de l'appétit ; il était en train de tirer un fromage d'un petit panier, quand quelqu'un ouvrit la porte : il se sauva au plus vite, et s'alla blottir de peur tout au fond d'un trou étroit, poussant de petits cris étouffés, et se serrant contre son hôte. Bientôt il mit le nez dehors, et entamait une figue de Camire ; une autre personne vint pour chercher quelque autre chose an magasin, et rats de se cacher. Alors le campagnard : « Garde pour toi tes mets et ta richesse, ces festins abondants dont tu fais tes délices, cette opulence pleine de dangers. Pour moi, je ne quitterai pas ma petite motte de terre, il l'abri de laquelle je mange tranquillement mes grains d'orge.