Le Rat et les Héritiers Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Un jour Damon, riche célibataire,
Se dit : « Un bon ami vaut mieux que
« Qui me sont tous indifférents,
des parents
« Et de tous mes amis celui que je préfère
« C'est Lubin ; de mon bien je le fais légataire.
Puis, il écrivit, de sa main,
Son testament, sur parchemin,
Et l'enferma sous clef dans un vieux secrétaire.
Or, ses neveux, six mois plus tard,
De leur oncle défunt suivant le corbillard,
16 L'accompagnaient jusqu'à sa sépulture.
Je ne sais trop quels démêlés
Du testament retardent l'ouverture,
Et, provisoirement, on pose les scellés.
Cependant, du défunt vaguement, dans la ville,
On connaissait les volontés,
Et les neveux déshérités
Parlaient de soutenir une lutte inutile.
On s'apprêtait des deux côtés ;
Les procureurs taillaient déjà leur plume,
Et les avocats, gens de bien,
Pour attiser la guerre qui s'allume,
Préparaient ces discours, qu'ils ne font pas pour rien.
Mais voilà qu'un vieux rat, cherchant sa nourriture,
Rongea le secrétaire, y fit une ouverture,
Et, jusqu'au testament se frayant un chemin,
Fit son dîner du parchemin
Qui de l'oncle défunt contenait l'écriture.
Terminant ainsi le procès,
Beaucoup mieux qu'un juge de paix,
Il empêcha la procédure,
Finit la contestation,
Et, grâce à lui, cette succession
Suivit l'ordre de la nature.

Pour aller à son but Dieu choisit le moyen ;
Du mal, quand il le veut, il fait naître le bien.

Livre I, fable 11




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