Vers des biscuits bien roux, bien fris au lard fondu,
En maint endroit fleurants autour de sa demeure,
D'excellent appétit pourvu,
Courait un jeune rat (du dîner c'était l'heure).
Un vieux madré de loin aussitôt lui cria :
« Ahi ! ahi ! fils, halte-là !
Malheureux ! que ton sort m'attriste !
Oh ! ta gourmandise te perd :
Redoute un festin que te sert
L'homme traître autant qu'égoïste...
Comme, en l'apprêtant, le félon
Malignement riait ! du haut de cette poutre,
Le matin, je l'ai vu : passe outre,
Mon ami, gare le poison !
Trotte et va-t-en ailleurs chercher ta subsistance. »
Le lecteur, comme moi, sera d'avis, je pense,
Que le vieux rat avait raison.
Le petit suivit-il son conseil ? Hélas ! non,
Et la mort fut sa récompense.
Si j'ose à ce propos quelque peu te prêcher,
Jeune homme, mon ami, pardonne :
Le plaisir sûr, celui que la vertu nous donne,
Semble à nos désirs se cacher ;
Il aime à se faire chercher,
Et pour le trouver il en coûte :
Mais pour ceux que tu vois, d'eux-mêmes, à foison
S'offrir alléchants sur ta route,
Le conseil du vieux rat mérite qu'on l'écoute :
Mon ami, gare le poison !