Quand l'heure des repas chaque jour les rassemble,
La poule et le pigeon causent souvent ensemble.
Celle-là, comme de raison,
De ses petits s'entretient d'ordinaire,
Car, avant tout, la poule est bonne mère.
L'autre vante et décrit le superbe horizon
Qu'on découvre de sa maison :
« - Mais, vous ne connaissez, dans la cour renfermée,
Les coteaux et les champs que par la renommée ;
Que je vous plains ! dit- il. Au fait, il est bien dur
De n'avoir sous les yeux jamais qu'un vilain mur. '
Quelle cruelle destinée.
Que d'être à la prison pour toujours condamnée ! »
Notre poule soupire et ne réplique rien.
Or, quelques jours après un semblable entretien,
Par des couvreurs une échelle laissée
À la lucarne du grenier,
Contre la muraille placée,
Finissait justement tout près du colombier.
« - Par Jupiter ! l'occasion est belle,
Dit l'épouse du coq, grimpons à cette échelle
Et voyons de nos yeux ce beau panorama,
Dont la description si souvent me charma. »
La dame, qu'anime un beau zèle,
Déjà des échelons a franchi le premier ;
Puis se perche sur le deuxième ;
Puis grimpant, sans relâche, au rapide escalier,
Parvient au dixième, au vingtième ;
Monte toujours, et la voilà
Enfin au bord du toit ; mais quand elle en est là,
Cet immense horizon, cette vaste étendue,
L'éblouissent ; bientôt, chancelante, éperdue,
On l'entend s'écrier : «O ciel ! je suis perdue ! »
Et sa chute suivit cette exclamation.
Elle avait gagné le vertige.
N'en soyez pas surpris, ce n'est pas un prodige,
C'est l'ordinaire effet de l'élévation.
Et, sans qu'il soit besoin de monter jusqu'au faîte,
Il ne faut qu'une place, une succession
A bien des gens pour leur tourner la tête.