Dans le pain découpé tout exprès bien menu
Qu'à ses poulets chéris la bonne Madeleine,
A son lever, jette à main pleine,
Voilà qu'un dur croûton se glisse inaperçu.
Le plus pressé le happe, et vite, mon goulu,
A l'instar du voleur qui craint une surprise,
Jusqu'au fond de la cour se sauve avec sa prise.
C'était plaisir de voir sur les petits morceaux
La bande à la naissante plume
Du bec à qui mieux mieux s'escrimer : tels, à Vaux,
Des cloutiers les légers marteaux
A coups pressés battent l'enclume.
Dans son coin, cependant, notre cochet glouton
Mâche, tourne, retourne en tous sens son croûton :
En stériles efforts le pauvret se consume,
Si bien qu'après avoir enfin,
Pour avaler le gros lopin,
Fait vainement mille grimaces,
Et contorsions fort cocasses,
Quand il voit qu'au repas commun,
S'il veut ne pas rester à jeûn,
Force est bien pourtant qu'il revienne,
L'imbécile accourt sans retard,
Et s'aperçoit qu'avec leur part
Les autres ont mangé la sienne.
De mon poulet gourmand la sottise est la tienne,
Ô toi qui, dédaignant les faciles plaisirs
Dont la main de la Providence
Sème de loin en loin notre courte existence,
Te tortures le cœur d'ambitieux désirs.
A bâtir des projets, à pousser des soupirs
Tuperdstes plus beauxjours : insensé, le temps presse ;
Hâte-toi d'accourir, sinon, je le crains bien,
De la divine largesse
Il ne te restera rien.