La Prison cellulaire Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Le gros marguillier Gille et le fripier Denis,
Bons vieux voisins qu'unit l'amitié la plus franche,
Badaudant, devisant, allaient boire, un dimanche,
Leur pinte accoutumée au faubourg Vivegnis.
Devant la prison neuve arrivés : « Je t'avoue,
Dit à Gille Denis, que jusqu'ici l'on n'a,
Dans nos quatre quartiers, rien fait dont je me loue
Autant que de cette œuvre- là.
De l'admirer, mon cher, jamais je ne me lasse.
Et puis, vois-tu, je suis enchanté de pouvair
Humer l'air et flâner librement à la place
De notre vieux cachot, si lourd, si laid, si noir,
Que ma peau se crispait d'horreur rien qu'à le voir.
Vive la prison neuve !...-Au diable, interrompt Gille,
Ta prison ! Jamais, moi, sans m'échauffer la bile,
Je ne la regarde. Pourquoi ?
- En la voyant bâtir j'avais la bonne foi
De penser que c'était pour y mettre la bande
Des grands fripons titrés, aux puissants appétits,
Que Thémis la voulait et si belle et si grande,
Et je n'y vois toujours mettre que les petits
Va, rengaîne ton sot éloge,
Voisin Denis ;
Pour les gueux qu'on y loge
La laide vieille était trop bonne, à mon avis. »

Livre II, fable 6




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