« Mon fils, nos blés naissants font plaisir à la vue.
Vienne l'hiver quand il voudra !
Mais le champ de Blaise attendra
Longtemps, je le crains, la charrue.
Prends la nôtre, prends nos garçons ;
Cultivez son pauvre héritage.
Nos bœufs sont fatigués, je le sais ; mais courage !
C'est de quoi bénir nos moissons. »
Ainsi parla le vieux Tobie ;
Ainsi fait le jeune Perrin.
«Quoi, labourer mon champ sans que l'on vous en prie ?
Vous êtes trop bon, mon voisin. »
A midi Blaise en son étable
Fit reposer les bœufs, de son foin les nourrit ;
Puis, grâce au voisin secourable,
Le grain sème, la herse aussitôt le couvrit ;
Passant et repassant, ne plaignant point sa peine.
Tout alla pour le mieux, si bien que dans la plaine
Ensemble un. beau jour de printemps,
Nos villageois disaient : « Voyez quelle abondance !
De cinquante pour un nous avons l'espérance. —
Mais, dit Blaise, on eut soin de semer au bon temps,
A propos, mon voisin, il vous souvient, je pense,
Que vos bœufs firent un repas
Chez moi l'an dernier. Il m'en coûte
Trente livres de foin. Je ne vous parle pas
De pansement ni de litière ;
D'être si regardant on ne m'accuse guère ;
Mais le compte est bien vieux ; c'est un vilain défaut :
Voisin, me pairez~vous bientôt ? »