Sur le bord d'un bassin avec art façonné,
Et qui voyait ses eaux fraîches et transparentes,
Répéter à l'envi mille fleurs ravissantes,
Dont une habile main l'avait environné,
Des chats le plus fripon, aussi le plus aimable,
Assis tout près de là, dans l'humide miroir,
Contemplait, à loisir, sa figure agréable,
Sa moustache éclatante et son poil d'un beau noir ;
Mais, tandis qu'il sourit à sa mine traîtresse,
Que par un doux murmure il montre son plaisir,
Il croit, dans le bassin, tout-à- coup découvrir,
De poisson singulier, une nouvelle espèce.
Lors redressant sa queue, et faisant le gros dos,
Il dirige ses yeux, sa volonté puissante,
Vers celui qui, couvert d'une écaille brillante,
Sillonne lentement, mais fièrement les flots.
Ce chat qui, sous un air et sérieux et grave,
Aux plus adroits, pourrait donner une leçon,
Et dont les goûts jamais ne trouvèrent d'entrave,
Désire sur le champ prendre ce beau poisson ;
Pensant qu'une enveloppe, et si rare et si belle,
Et qui, par son éclat, éblouit tous les yeux,
Doit renfermer un mets choisi, délicieux,
Supérieur à tous ceux que l'Océan recelle...
Cependant le poisson, ignorant son destin,
En divers sens s'ébat, se joue et se promène ;
Le chat étend sa patte, ensuite la ramène ;
Dans l'eau plonge son ongle, et s'éloigne soudain,
Enfin, voisin du bord, et rasant la surface,
Le ciprin, imprudent, reçut le coup fatal ;
Et le friand minet, s'en faisant un régal,
De suite, près de lui, l'attire sur la place.
L'infortuné poisson, malade, languissant,
Sur l'herbe se débat, s'agite, enfin expire ;
Le chat, sans plus tarder, de l'ongle le déchire,
Et porte sur son dos une cruelle dent.
Mais lorsqu'il eût goûté de sa chair insipide,
Qu'il supposait exquise et pleine de saveur,
Devenu tout-à-coup moins ardent, moins avide,
Il s'écrie aussitôt, quelle était mon erreur !
Je suis dupe aujourd'hui d'une grossière amorce !
Désormais je croirai le proverbe qui dit :
« Il ne faut point juger l'arbre sur son écorce,
Le fruit sur sa couleur, l'homme sur son habit. »