Le Renard et le Bûcheron Babrius (Ier - IIème siècle)

Un renard fuyait ; un chasseur courait sur sa piste. L'animal était rendu ; il avise un bûcheron et lui dit : « Au nom des dieux sauveurs, de grâce, cache-moi sous ces peupliers que tu viens d'abattre, et ne me dénonce pas au chasseur. » L'homme jura de ne le point trahir ; l'autre se cacha. Arrive le chasseur, qui demande au bûcheron si un renard ne s'était pas réfugié dans cet endroit, ou s'il fuyait: « Je n'en ai point vu,» répondit-il, mais du doigt il indiqua le lieu où le matois s'était tapi. Le chasseur n'y prit pas garde, n'écouta que ses paroles et s'éloigna. Cependant le renard, remis d'une si chaude alarme, sortit de dessous les peupliers, agitant sa queue et grinçant des dents. « Tu me dois la vie, lui dit le vieillard, je t'ai sauvé, souviens-toi de moi.— Comment ne m'en souviendrais-je pas, reprit le renard : j'étais là, j'ai tout vu ? Rassure-toi donc, tu n'échapperas pas à la peine du parjure. Ta langue m'a sauvé quand ton doigt m'assassinait. »

Les dieux sont clairvoyants et ne se laissent point tromper ; les parjures ne peuvent espérer de se dérober à leur justice.