Les Renards et les Bûcherons Ulric Guttinguer (1787 - 1866)

Un vieux Renard, retiré de ce monde,
Dans une retraite profonde
Formait le cœur de ses enfants.
(Ce n’était pas bien nécessaire,
Puisqu’ils devaient, comme leur père,
Tôt ou tard être courtisans.)
Du reste, en l’art diplomatique
Profond, sublime, ou familier,
Il n’avait garde d’oublier
Les secrets de la politique.
Comme il en préparait un cours,
Et résumait un long discours,
Voilà que sous la voûte sombre
De la forêt arrivent en grand nombre
Des bûcherons de leurs haches armés.
Les Renardeaux sont alarmés.
« Adieu, se disaient-ils, nos chênes, nos ombrâges ;
Qui nous défendra des orages,
Du soleil et de ses chaleurs ?
- Mes enfants, retenez vos pleurs,
Dit en s’approchant leur vieux père ;
« La jeunesse trop tôt se flatte, ou désespère.
Voyez sur qui frappent les coups !
Ce n’est pas le sapin, le hêtre, le platane,
Ce sont les arbrisseaux que la hache condamne ;
Écoutez, et rassurez-vous ! »
Et le maître disait : « Abattez, point de grâce,
Frappez ces avortons dont la tige embarrasse
Les arbres élevés qui règnent en ces lieux ;
Ils nuisent, c’est assez ; qu’on se défasse d’eux ! »
Par des paroles si nouvelles
Les Renardeaux sont bien surpris ;
Le père dit alors : « Qu’en vos jeunes cervelles
» Ces mots-là demeurent écrits. »

Enfants ! voici du monde une image parfaite,
Vous le verrez un jour à la cour des tyrans :
Quand les petits gênent les grands,
Leur affaire est bientôt faite.

Fable 6




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