Le Loup et la Brebis Bourgeois-Guillon (19è siècle)

Le loup disait à la brebis : Au moins
Tu n'es pas, toi, raisonneuse. Naguère
Un des tiens, peut-être ton frère,
Qui m'insulta, je ne sais dans quels coins,
Me fit vraiment sortir hors de mon caractère.
Aussi l'ai-je puni ! tu pleures !.. n'es-tu pas
Par hasard sa sœur ou sa mère ?
Répondras-tu ? Quoi ! pas même un hélas !
Oh ! je n'augure rien de bon de ton silence !
Tu machines quelque vengeance.
Vaut mieux tuer le loup, hein ! tu le vois,
Je connais votre beau proverbe.
Quoi ! tu ne diras rien ; parle, une fois, deux fois ;...
Oh je sais le moyen de te rendre le verbe,
Entêtée ! Et le loup l'emporte au fond du bois.
A belles dents pendant qu'il la déchire,
Pauvre brebis lui dit, je prévoyais mon sort.
Je n'ai rien dit et sous tes coups j'expire :
Pour te fléchir ma voix eût fait un vain effort.

Près du méchant le faible a toujours tort.

Livre III, Fable 1


Imité de La Fontaine

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