Le Corbeau voulant imiter l'Aigle Charles Beaulieu (19ème)

D'un piège enduit de glu, par la tête empêtré,
Un aigle, non sans peine, enfin s'était tiré ;
Témoin de la leçon, un corbeau, de génie
Bien moins pourvu que de gloutonnerie,
N'en sut point profiter, pourtant ;
Un renard, de ces gens qui font les bons apôtres,
Pour faire leur profit des sottises des autres,
Voyant qu'avec plaisir il flaire en convoitant
La viande qu'on avait mise, bien arrangée,
En menus morceaux, partagée
Dans certains cônes de papiers,
Frère, dit-il, je t'aurais volontiers,
Sois-en bien sûr, déjà fait part en conscience,
Du profit qu'à tous deux offre cette pitance,
Si le ciel en formant ma face de renard,
D'un bec dur et retors, comme à toi m'eût fait part;
Or, sans crainte, fais donc ce que je ne puis faire,
Puis, au besoin pour te tirer d'affaire,
Compte su rmoi. Cela dit, mon corbeau,
En sot donne dans le panneau ;
Bien loin de soupçonner le but, et l'artifice
Que cachait à ses yeux ce prétendu service,
Il enfonce son bec dans un de ces étuis,
Dont les contours, de glu par dedans sont enduits.
A peine, le renard, dans sa prison étrange,
Le voit-il enfermé qu'il le happe et le mange,
Il n'en pouvait être autrement.
C'est ainsi qu'un fripon, et partage et s'arrange,
Avec le sot, ou l'imprudent,
Qui croit à son secours, ou bien à sa louange.

Cette fable nous donne un double enseignement
D'abord, qu'il ne faut point agir aveuglément,
Sur l'exemple des autres ;
Et, puis, des conseillers comparer sagement
Les intérêts avec les nôtres.

Livre II, fable 16




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