Le Lion et l'Ane chassant. Charles Beaulieu (19ème)

Un lion fort savant dans l'art de braconner,
Mais des plus ignorants dans l'art de gouverner,
A giboyer passait sa vie,
Cette dangereuse manie
Tenait de la fureur. De plus
On sait que ce monarque obtus,
Dans son goût effréné, que le bon sens condamne,
Pour son premier ministre avait fait choix d'un âne
Qui n'avait pour talent qu'une voix de stentor ;
De lui, quand il parlait, on eut bien peur d'abord,
Mais bientôt, de son savoir faire,
Chacun se rit à sa manière ;
De plus il était tracassier
Comme son maître carnassier .
C'est ainsi qu'étaient faits le ministre et le sire
De ce trop malheureux empire ;
Aussi de tous côtés,
Les peuples révoltés,
Jurent de mettre fin à cet ordre de chose ;
Il ne faut pour cela qu'oser, eh bien ! l'on ose,
On conspire en secret, on s'excite, on s'entend,
On éclate, et le roi comme il a fait souvent,
Pense qu'il suffira pour conjurer l'orage,
( De réparer ses torts n'ayant pas le courage,)
De faire braire l'âne avec plus de fureur,
Afin de porter la terreur
Partout. Mais ce moyen commode,
Était passé de mode,
Partout on s'en moqua. L'on en avait assez
Et les chasseurs furent chassés.

J'en ai vu faire autant pour la même manie,
A certains gouvernants ;
Qui s'occupaient, dit-on, bien plus dans leur folie,
De bêtes que de gens.

Livre II, fable 19




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