Le Laboureur et ses enfants Charles Beaulieu (19ème)

On ne travaille tant, on ne prend tant de peine,
Que parce que souvent le fonds manque le plus.
J'appelle fonds, tout moyen qui nous mène
Au pouvoir d'acquérir, de surplus en surplus.
Pour n'arriver à rien, entre tous les abus,
La routine est la plus certaine :
Or, pour cultiver son domaine,
Un laboureur et ses enfants,
Jour et nuit travaillaient à remuer leurs champs ;
Mais, malgré cette diligence,
Leurs travaux et leurs soins, grâce à leur ignorance,
Etaient insuffisants,
Pour achever chaque chose en son temps.
Le vieillard tenait trop à tout faire à sa mode,
Pour tenter s'il pourrait mieux soigner ses terrains,
Par quelque nouvelle méthode :
Ainsi qu'en agissaient plusieurs de ses voisins ;
Surtout quand l'emploi sûr se trouvait plus commode.
Mais comme toute invention,
Est un objet d'aversion,
Pour tout homme à l'esprit vulgaire ;
Aussi se gardant bien de changer de manière,
De faire,
Il devient pauvre, néanmoins,
Malgré ses peines et ses soins :
Et de ses vains efforts tel fut tout le salaire.

Or, je conclus qu'il faut encor,
Que le travail, pour qu'il soit un trésor,
Marche avec les progrès. Allant en sens contraire,
Il pourrait bien n'avoir pour fin que la misère.

Livre V, fable 9




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