Certain Gars portait un ballot,
Il faisait long voyage et se plaignit bientôt
Que le Destin eût joint aux choses de la terre
La pesanteur comme un mal nécessaire.
Quel fardeau ! disait-il, je dois faire pitié ;
Qui me délivrera du moins de la moitié ?
Sur te même chemin s'avançait une fille
Jeune et gentille,
Elle cherchait à chaque pas
Où poser ses pieds délicats
Qu'aurait blessés le cailloutage :
Certes c'eût été grand dommage
Car elle était pleine d'appas.
Les maux du jeune gars la touchent jusqu'aux larmes,
Et pour le mieux solatier
Elle prend sur son dos le fardeau tout entier.
Ce moment eut pour lui des charmes,
Mais la belle ajouta : je fais beaucoup pour toi,
Sois sensible à ton tour, tu vois que mon pied tendre
Au milieu des cailloux peut à peine s'étendre,
Je porte ton ballot, c'est assez que je crois,
En récompense porte-mol.
Elle dit et se jette au cou du pauvre hère,
Il eut beau dire, il eut beau faire,
Il lui fallut porter deux fardeaux à la fois ;
Il est accablé sous le poids.
Que lui sert de se plaindre ! On l'oblige à se taire,
Vous souffrez et moi donc ? N'est-ce pas sur mon dos
Que de votre ballot pose toute la masse ?
Ne suis-je pas de chair et d'os ?
Plaignez-vous, ah vraiment vous avez bonne grâce !

Écoute, Alain mon ami,
Cet Apologue, il te lasse, il t'ennuie
De supporter tout seul le fardeau de la vie ;
Tu veux devenir mari :
Avant d'entrer en ménage
Considère en homme sage
Quid valeant humeri,
Je n'en dis davantage.

Livre I, fable 12




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