Un chat d'un vieil avare habitait la maison.
Vous devinez sans peine, avec un tel patron,
Que le pauvre animal faisait fort maigre chère.
Aussi qu'arriva-t-il ? Raton
Se vit réduit pour vivre à devenir fripon.
Il avait pour cela peu de chemin à faire,
En moins de rien Raton sut son métier.
Or un beau jour que dans le colombier,
Les yeux en l'air mon galant rôde,
Il aperçoit avec transport
Certains pigeons presque sans plume encor.
Ils étaient en un lieu favorable à la fraude ;
Il lui suffisait d'allonger
Pour les avoir un peu la pate :
Aussi n'eut-il qu'à prendre et qu'à manger.
Tranquillement, comme ordonne Hippocrate,
Le drôle bien repu digérait à l'écart,
Quand Harpagon survient , mais un peu tard.
Le chat le voit et lestement s'échappe,
Disant: les pigeonneaux, mon maître, sont fort bons,
Meilleurs encore, j'en réponds,
Quand c'est à vous qu'on les attrape.

Au larcin de Raton à mal faire occupé,
Je suis loin d'applaudir : tout fripon est à craindre.
Mais pourquoi donc l'avare, alors qu'il est dupé,
Est-il de ces mortels que je ne saurais plaindre ?

Livre II, fable 5




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