L'Avare et ses Enfants Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Chez un avare, isolé dans sa terre,
Viennent quatre pauvres enfants,
Disant qu'ils n'ont père ni mère,
Et que, dans leur misère,
Ils ont recours aux hommes bienfaisants.
« Vous êtes, dit l'avare,
Les bienvenus, mes chers petits ;
Chez moi, nul ne s'égare ;
J'aime à partager mes profits ;
Attendez, vous serez surpris,
Car on sait que ma bienfaisance
S'étend bien au delà des besoins d'un seul jour. »

S'épuisant en reconnaissance,
Les infortunés tour à tour
Se regardent, doutant encore,
Dans le besoin qui les dévore,
S'ils ont bien entendu.

Aux compliments l'avare a répondu,
Puis, dans une grange éloignée
Va lentement, reste longtemps,
Revient, et présente aux enfants
Une mince poignée
De pois véreux, presque pourris.

« En effet, nous sommes surpris,
Disent les pauvres tout en larmes ;
La bienfaisance a pour vous tant de charmes !
Et votre don ne suffît pas
Pour offrir à l'un de nous quatre
Un passable repas !

— Vous êtes des ingrats !
Ces pois, il faut les battre,
Les nettoyer et les planter,
Au lieu d'un seul légume,
Vous en aurez cent ; de vous contenter,
Au reste, prenez la coutume. »

Depuis, on voit l'avare en tous lieux se vanter
Qu'il donne tout son bien, que sa charge est énorme.
Et qu'il nourrit, lui seul, quatre pauvres enfants.

C'est ainsi que certaines gens
Ne font un peu de bien que pour la forme.

Livre IV, fable 1




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