— Que l'on est bien chez soi ! s'écriait Richelieu
Rentrant dans son palais, après qu'en certain lieu
L'illustre cardinal eut fait tomber deux tètes.
Jean Lapin, de retour aussi
Dans ses souterraines retraites,
Tenait même langage, et n'avait, Dieu merci,
Fait tort qu'au serpolet, n'étant pas de ces bêtes
Qui mangent le prochain. De son gîte ennuyé,
Quoiqu'il eût de l'herbe à la ronde,
Ce Lapin voulait voir le monde.
Il y sera fêté, choyé ;
Du moins le croyait-il : chacun a sa marotte.
Jeannot, le nez au vent et les pattes en l'air,
Trottant, broutant, arrive au trou d'une Marmotte,
Qui prenait ses quartiers d'hiver :
Elle dormait comme une morte.
— Fi ! de la vilaine qui dort
A ces heures ! le diable emporte
Les Marmottes ! Il dit, et sort.
Tout auprès étaient les pénates
D'une Belette. Il entre en se bouchant le nez.
Ces dames sont peu délicates,
Et leurs lits sont toujours d'ordure empoisonnés.
— Oh ! la forte odeur qu'a cette bête !
Ma chère, lui dit-il, que ne vous lavez-vous ?
— Insolent ! que plutôt je te lave la tête,
Reprit la Belette en courroux.
— Ma mère, se dit Jean, me vantait les voyages :
Sans doute elle avait ses raisons,
N'importe. Courons voir Messieurs les Hérissons ;
On les dit polis, doux et sages.
L'y voilà, baisé, caressé.
Il croit sentir pourtant quelque mal à l'échiné.
De certains aiguillons ce peuple est cuirassé;
Et chacun lui darde une épine.
Le Lapin part en glapissant ;
Et rencontre un Chien d'aventure
Qui le suit à la piste, où, d'un bond s'élançant,
Lui fait mainte et mainte écorchure.
Le pauvret s'en revient dopant,
Renonce pour toujours aux terres étrangères ;
Et rentré dans son gîte, il embrasse ses frères,
Et vécut tranquille et content.

Livre III, Fable 1




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