Une troupe d'enfants chassait un Papillon
Au corps svelte, aux ailes brillantes,
D'or et d'azur étincelantes ;
Et chacun veut l'avoir en sa possession.
L'attraper, ô la bonne aubaine !
Les mouchoirs sont en l'air ; on crie, on se démène ;
Toute la bande est en émoi.
« Je l'aurai. — Non, ce sera moi. »
L'insecte effaré, hors d'haleine,
Tombe aux mains des marmots. Adieu ses ailes d'or !
Adieu ses formes délicates !
L'un lui saisit le corps ; l'autre brise ses pattes ;
Celui-ci lui fait pis encor.
Ce pauvre Papillon n'offre-t-il pas l'image
De l'empire romain, qui tombe par morceaux
. Sous les coups redoublés d'une foule sauvage ?
Huns, Vandales, Germains, tous ont part au gâteau :
On le déchire, on le saccage,
On le pille ; et chacun en emporte un lambeau.
Mais vient le Temps, autre barbare,
Qui fait sa main en tout cela ;
Des uns, des autres il s'empare ;
Et Vandales. Marmots, Papillons, tout s'en va !