Un papillon léger de ses ailes brillantes
Étalait les riches couleurs,
Et caressait de mille fleurs
Les étamines odorantes ;
Quand sur un lis, objet d'un désir inconstant,
L'aspect d'une chenilles/strong> irrita sa colère,
<< Fi ! quelle horreur ! dit- il en reculant ;
Que fait donc cette espèce au milieu d'un parterre ?
Est-il un animal plus laid, plus dégoûtant ?
On devrait en purger la terre.
- Ne fais pas tant le dédaigneux,
Lui répond l'autre insecte ; et dans quelle famille
Aurais-tu choisi des aïeux ?
Souviens-toi, faquin vaniteux,
Que tu naquis d'une chenille. »
Le papillon ne dit plus mot,
Eut l'air de butiner et s'enfuit comme un sot
Dont on a relevé la folle impertinence.
Mais la moraliste, un beau jour,
Devint papillon à son tour,
Et montra la même impudence.
J'estime un parvenu, qui, de ses propres mains
Ayant bâti sa fortune et sa gloire,
Les soutient sans orgueil, sans trop s'en faire accroire :
Mais pour deux qu'on en cite, il est deux cents faquins,
Qui de leur origine ont perdu la mémoire ;
Et dans ce siècle d'oripeau,
De clinquant et d'enluminure,
Il est bien dissicile à qui change de peau
De ne pas changer de nature.