La Chenille et le Papillon Frédéric Rouveroy (1771 - 1850)

Ivre de bonheur et d'amour,
Mais trop enorgueilli de l'éclat de ses ailes,
Sur une toufse d'immortelles
Un papillon brillait vers le déclin du jour.
Bien plus modeste, une pauvre chenille
Sur un brin d'herbe cheminait,
Et notre fat l'examinait :
» Retire-toi, petite fille,
Tu sens mauvais, tu fatigues mes yeux ;
Délivre-moi d'un aspect odieux. »
» Vous êtes dégoûté, mon frère,
Et vous tranchez du grand ! »
- Qui ; moi ton frère ? ô ciel !
Est-il outrage plus cruel ! »
D --- Sortis tous deux d'une commune mère
Et procréés du même père...
Le fils de l'air, brillant des plus vives couleurs !
Tandis que tristement tu rampes vers la terre,
Compagnon des zéphyrs, moi, d'une aile légère
Comme eux en souverain je règne sur les fleurs !...
Peux-tu me dire issu d'une ignoble famille ? »
» -Je dirai plus encor, magnifique seigneur,
En tout respect et tout honneur,
Chacun de vos ensans ne naîtra que chenille ;
Et vous ne serez plus, mon frère, au premier jour,
Quand je deviendrai moi papillon à mon tour. »

Livre II, fable 4




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