Allez-vous quelquefois à ce petit théâtre,
Rendez-vous des oisifs, où Séraphin, le soir,
Fait manœuvrer, sauter, combattre
Des hommes de carton que l'on voit se mouvoir
Comme si c'étaient des personnes :
Lieu d'aimables délassements,
Fréquenté des enfants, des bonnes,
Des papas, des vieilles mamans ?
A ce théâtre donc, et pendant que ces mimes
Que des ressorts cachés ont mis en action
Exécutaient leurs pantomimes,
Un marmouset d'enfant, pris d'admiration,
A son père disait : « Que ces gens sont agiles !
Que de précision, de méthode et d'esprit !
Oh ! comme ils doivent être habiles
Pour jouer de la sorte ! » Et le père reprit :
« Viens avec moi dans les coulisses,
Et là tu verras de plus prés
Ces acteurs qui font tes délices
Dont tu ne sais pas les secrets. »
Arrivés sur les lieux, notre marmot s'approche
Et reste stupéfait de voir que tous ces corps
Qui s'agitaient, allaient, venaient à droite, à gauche,
N'étaient mus que par des ressorts.
« Te voilà revenu de ton erreur profonde ;
Crains encor d'y tomber, mon fils.
Quelque jour tu verras des hommes dans le monde
Qui, par d'imperceptibles fils
Nous font ainsi mouvoir, vrais pantins que nous sommes,
Et tout petits qu'ils sont, par ces moyens subtils
Se font passer pour de grands hommes. »