Les deux Loups Étienne Azéma (1776 - 1851)

Un Loup qui cherchait aventure
En rencontre un second courant même hasard.
Ces Loups étaient à jeun. Ils virent à l'écart
Je ne sais quel objet, — Voici de la pâture,
Dit l'un des affamés. Je l'aurai pour ma part.
— Non pas, s'il vous plaît, reprit l'autre,
Je l'ai vu le premier ; c'est quelque mouton gras
Que fortune m'envoie, Il est mien et non vôtre,
— C'est un chevreau, je pense, et vous ne l'aurez pas.
Il fallut guerroyer. Mes gens étaient de taille
A ne pas reculer. De propos en propos.
Ils s'échauffent tous deux et se livrent bataille,
Quand il s'agit d'un mets les Loups sont des héros,
Le combat fut sanglant, Je ne veux pas décrire
Ce qu'ils mirent d'audace, et de ruse, et d'effort :
Pour faire court, l'un d'eux fut couché raide mort.
Le vainqueur courut à sa proie,
Les poumons essoufflés, les sens encore émus,
Ne rêvant que mouton : imaginez sa joie !
C'était une ombre, et rien de plus.

Ne nous en moquons pas ; j'ai vu des gens sans nombre
Qui, non moins affamés, couraient comme des fous
Au plaisir, la gloire ; et, véritables loups.
Se battaient souvent pour une ombre.

Livre II, Fable 2




Commentaires