L'Écolier trop sage Étienne Fumars (1743 - 1806)

Un écolier, à ce mot on s’attend
A voir subitement paraître,
Le chapeau de travers, un malin petit être,
Aux habits déchirés, au regard turbulent,
Au poing toujours levé, polisson, téméraire,
Étourdi, querelleur, et surtout très-bruyant ;
Vous allez voir tout le contraire,
Faire trop bien n’est pas bien faire :
Térence l’a dit en latin,
Je le dis en français ; j’en ai la preuve claire.
Mon écolier toujours avait un livre en main,
Non que pour s’amuser, ou que dans sa colère
Il vous apostrophât quelque visage humain
De son Virgile ou de son Despautère,
Ou bien de mainte épitre un peu trop familière
De l’Orateur romain :
On le voyait pâlir sur son dictionnaire.
Avec douceur le feuilletant.
Pour un mot trop cherché jamais ne tempêtant ;
Et ses livres soignés, toujours sûrs de lui plaire,
Étaient presque aussi neufs, quoique relus souvent,
Que le bréviaire intact d’un abbé sémillant.
« Du matin, disait-il, ma tâche est terminée.
Vite faisons celle du soir ;
Et, délivré de mon devoir,
Je jouerai toute la journée.
Lorsque Phébus trop prompt ouvrira ma paupière.
Avec plaisir je veux lui dire : Enfin,
Monsieur Phébus, je nargue ta lumière ;
Je veux dormir, je n’ai plus rien à faire,
Et suis tout aujourd’hui maître de mon destin. »
Mais le soleil à peine a-t-il suivi l’aurore.
Que l’écolier trop prévoyant
S’élance de ses draps, va travailler encore,
Et pour mieux être oisif, est toujours diligent.
Heureusement pour lui, un mentor tendre et sage,
Ramenant à propos les plaisirs du jeune âge,
Faisait bondir la paume, aller le cerf-volant,
Et prudemment voulait qu’un enfant fût enfant.
« Ô mortels, disait-il, il est votre copie ;
Vous consumez vos jours dans d’éternels souhaits
Et sans cesse leurrés de la même folie,
Vous vous tuez pour vivre et ne vivez jamais. »





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