La Rose et l'Épine blanche Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Une aubépine ayant sous sa tutelle
Une rose; au milieu des champs,
De la colère des autans,
Avait su préserver la belle,
Comme des ardeurs du soleil.
Rude aux autres, tendre pour elle,
Pour conserver son teint vermeil,
La veillant comme une vestale,
Dans son amour que rien n'égale,
Elle repousse d'elle abeille et papillon,
Tout passant malveillant, même Robin mouton.
Si quelqu'audacieux s'approche,
L'épine le pique ou l'accroche.
Mère jamais n'eut plus dé soin
De sa fille chérie,
L'ornement de sa vie.
Pour l'égayer elle s'était adjoint
Le rossignol et la fauvette .
Ces bons musiciens venaient de la fauvette
Charmer tous les loisirs, par leurs tendres accords,

Elle pouvait voir au dehors,
Le dimanche, danser et bergers et bergères.
Mais ceci ne l'amusait guères :
Elle voulait briller,
Frétiller;
Il fallait pour Cela paraître.
Aussi la coquette, un matin
Du domaine voyant le maître
Passer une serpe à la main ;
Lui dit : « Coupez-moi celte épine
Qui m'importune et me chagriné
Et du soleil rendez-moi la chaleur ;
Je ne puis respirer, je veux voir, être vue.
Bientôt l'épine est rabattue :
Et la rose se croit au comble du bonheur !!!
Mais attaquée, en son jeûne âgé,
Par un ouragan, dans sa rage- '
Et par un soleil plein d'ardeur,
De sa tige elle tombe effeuillée et fanée,
Avait là fin de la journée, ^

Vous qui sortez a peine de l'enfance,
Jeune fille dont l'innocence :
Ajoute encore à la beauté,
Pour rester belle et savoir plaire,
Sous l'égide de votre mère,
Brillez toujours à son côté.

Fables nouvelles, Livre VI, Fable 16, 1851




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