Les Vents et la Rose Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Echappés des antres du Nord,
Les fougueux enfants de la terre,
Les Aquilons, précédés du Tonnerre,
Soufflaient le ravage et la mort.
Partout leurs brûlantes haleines
Desséchaient dans leur fleur les tendres arbrisseaux,
De frimas dévorants couvraient l'émail des plaines,
Dans les champs désolés tarissaient les ruisseaux ;
Leurs tourbillons épais dérobaient la lumière
Tout succombait et leur lâche courroux
S'indignait en secret que la nature entière
Ne disparût point sous leurs coups.

DANS un jardin, aimé de Flore,
Sous un heureux abri, la plus belle des fleurs,
Mais faible, languissante, et presque sans couleurs,
Une Rose restait encore,
Et n'avait point éprouvé leurs fureurs.
Rien ne peut arrêter leur troupe frémissante ;
Les cruels à l'instant fondent sur ce séjour ;
Ils prennent pour victime une rose mourante,
Que défendent en vain la jeunesse et l'amour.
Soudain, à travers un nuage,
Phébus laisse échapper ses feux étincelants :
Il paraît ; tout lui rend hommage ;
Dans le vague des airs il disperse les vents,
Et commande à leur Roi de punir leur outrage.
La Rose l'attendrit ; il verse dans son sein
Les rayons bienfaisants d'un jour doux et serein ;
Il la ranime, la colore ;
Il confie aux Zéphyrs son immortel destin,
Et la rend aux pleurs de l'aurore ;
Tandis que les vents furieux,
Pour venger l'univers, que leur dépit console,
Par l'ordre souverain des Dieux,
Rugissent enchaînés dans les prisons d'Eole.

Livre IV, fable 11




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