De retour aux antres d'Éole,
Les fougueux escadrons des Vents,
Ensemble, et non à tour de rôle,
Racontaient leurs faits éclatants :
Soldats au corps- de- garde ainsi passent leur temps.
L'un avait des moissons renversé l'espérance,
En s'escrimant à toute outrance
Sur la plaine et les champs dorés :
Aux cités déclarant la guerre,
Un autre avait jonché la terre
De maisons, de palais et de temples sacrés :
L'autre, employé sur mer, au profit de Neptune,
Avait confisqué la fortune
Des plus riches marchands, même des nations,
Et submergé les galions.
Et Vents, à chaque exploit, de souffler et de rire.
Seul, paisible en un coin, le modeste Zéphyre
En silence restait : parmi ces cris perdu
Son doux filet de voix serait-il entendu ?
Mais enfin, de récits et de hauts faits rivale,
La troupe s'interrompt : il faut de temps en temps
Aux récits comme aux faits un léger intervalle.
Pendant cette pause, un des Vents
Dit à Zéphyre : Et toi, conte donc ton histoire ;
N'aurais-tu rien fait pour la gloire ?
J'ai sur la gloire et sur l'honneur,
Répond l'amant de Flore, un système vulgaire.
Je n'eus jamais l'humeur guerrière :
Dans de plus doux emplois je trouve le bonheur,
Et je le répands sur la terre.
Prodiguer aux humains ma fraîcheur salutaire,
Caresser, ouvrir une fleur,
Hâter, par ma féconde haleine,
La naissance du fruit que Palès va mûrir,
De l'épi verdoyant que Cérès doit jaunir ;
De mon aile effleurer à peine
La surface de l'onde et ne la troubler pas,
Ce sont là mes honneurs, mes exploits, mes combats.
À ces mots, tous les Vents, boursoufflés de colère,
De sifflements font retentir
La caverne du roi leur père.
Hors de l'antre, en hurlant, ils poussent le Zéphyr,
Et le chassent comme un faux frère.
Tel fut plus d'une fois, ailleurs que chez les Vents,
Le sort des gens sensés et des honnêtes gens.