La Cigale et les autres Insectes Pierre-Louis Ginguené (1748 - 1816)

Insectes paresseux ! sur l'herbe et sur les fleurs
Je vous vois promener sans cesse
Une inutile vie et d'oisives erreurs.
Que ne m'imitez-vous ? Jamais de la paresse
N'approchent de moi les langueurs.
Dès le matin, sur ces ormeaux perchée,
Et sous leur feuillage cachée,
Tandis que l'été dure, à l'écho de ces lieux
Je donne à répéter mes chants harmonieux.

Ainsi, non sans aigreur, parlait une Cigale
Aux Insectes divers dont un champ était plein :
Puis elle reprenait l'uniforme refrain
De sa chanson toujours égale.

L'un d'eux lui répondit enfin :
Trop infatigable ouvrière,
Avant de nous blâmer avec tant de fracas,
Tu devrais nous montrer à quoi sert ici-bas
Ce bruit aigu que tu sais faire ;
Car, à te parler franc, nous ne le voyons pas.

Poètes mes amis, de nos rimes futiles
Tirons un peu moins vanité.
Pour quelques légers riens sommes-nous des Virgiles ?
De quel fruit sont nos chants à la société?
Pour censurer l'oisiveté,
Il faut, par des travaux plus grands et plus utiles,
Avoir instruit, charmé, servi l'Humanité.

Fable 26




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