Sexe adorable, objets doux et charmants,
Moi qui jamais aux jours de mon printemps,
prose, en vers, ne vous fis nul reproche,
Je ne veux point, quand mon hiver approche,
Joindre ma voix aux propos médisants
De vos frondeurs : contre vous la Satyre
Peut s'exercer ; laissez, laissez-la dire :
Je vous connais : en dépit des rieurs,
Vous valez mieux cent fois que vos censeurs.
Mais tout avis n'est pas censure,
Apologue n'est pas injure :
J'en vais dire un qui fera voir
Quel est votre premier devoir,
Devoir dicté par la Nature,
Dont peut-être l'orgueil murmure,
Mais qui ne vous prescrit que les soins les plus doux,
Lois d'amour, de volupté pure,
Et sources de bonheur pour vous.
Chez les Oiseaux, le Ciel autrement que chez nous,
A distribué sa largesse.
Dans votre lot il a mis la faiblesse ;
Mais quels trésors ! l'éclat de la beauté,
Le doux parler, la voix enchanteresse.
Tout le contraire échut au Peuple- Oiseau :
Là, le plus fort est aussi le plus beau.
Ce n'est pas tout : la muette Femelle
N'a, pour répondre à l'amant qui l'appelle,
Que petits cris sans cesse répétés,
Tandis que lui, dans la saison nouvelle,
Tient par sa voix les bosquets enchantés.
On dit qu'un jour ces obscures Épouses,
Loin des Maris, aux bosquets d'un jardin,
Vinrent former un nombreux sanhédrin.
Tout retentit de leurs plaintes jalouses.
Le résultat fut de traverser l'air,
D'aller tout droit se plaindre à Jupiter.
De pleins pouvairs on charge la Fauvette,
Et la Linote, et la Chardonnerette :
Le vol est pris, la route bientôt faite ;
Et le Trio près du Trône arrêté,
Dit ainsi ses griefs à la Divinité.
Point de bonheur, point de paix en ménage
Sans droits communs et sans égalité.
A nos Époux tu fis tout l'avantage :
Tout est pour eux, la voix et le plumage ;
Grand Jupiter ! mets de notre côté,
Ou les couleurs, ou du moins le ramage ;
Fais de tes dons un plus juste partage,
Et tire-nous de notre obscurité !
Le bon Jupin, d'un air de gravité,
Qui pour un air d'ennui pourrait passer sur terre,
Mais qui tient à la dignité
D'un Souverain, d'un Dieu, d'un Maître du tonnerre ;
Ayant ce message écouté,
D'un mot répondit : NON. Puis, cet arrêt porté,
Il sut d'une voix familière
En adoucir l'austérité,
Soin qui réussit bien à tout pouvair suprême,
Qui fait que sur les cœurs s'étend l'autorité,
Et qu'en obéissant on aime.
À vous tout accorder, leur dit-il, j'étais prêt,
Mes Ambassadrices gentilles ;
Mais j'ai dit non par intérêt
Et pour vous et pour vos familles.
Si vous aviez ce don du chant,
Ou ces vives couleurs que vous enviez tant,
Les jours, les mois et les saisons entières,
Faire l'amour serait votre seul passetemps :
Vous n'attendriez plus le signal du printemps.
À moduler chansonnettes légères,
À vous mirer dans les eaux les plus claires,
Vous perdriez tous vos instants.
Qui construirait alors ces enceintes moelleuses,
Ces fabriques ingénieuses
Où la Nature veut que vos œufs soient enclos ?
Qui les échaufferait avant qu'ils soient éclos ?
Qui donnerait le bec à vos tendres couvées ?
Les Mâles voudraient-ils remplir seuls ces corvées ?
Tout irait au plus mal dans vos bois, dans vos nids :
L'espèce en souffrirait, et vous seriez maudites.
Allez, suivez les lois que je vous ai prescrites :
Aimez, pondez, couvez, nourrissez vos Petits ;
Et laissez chanter vos Maris.