LES OISEAUX
HEUREUX, heureux Poissons, bien plus heureux que nous !
L'hameçon, les filets s'arment-ils contre vous,
Plongez au fond des eaux, vous n'avez rien à craindre.
Dans ces gouffres profonds qui pourrait vous atteindre ?
La mer, le fleuve même ont des antres si creux !
Heureux, heureux Poissons, bien plus que nous heureux !
LES POISSONS
Heureux, heureux Oiseaux, nous vous portons envie.
Le tube menaçant poursuit-il votre vie,
Volez au haut des cieux, il ne peut vous blesser.
Dans les champs de l'Éther qui pourrait vous percer ?
Vous avez l'Éther même et les cieux pour patrie.
Heureux, heureux Oiseaux, nous vous portons envie.
LES OISEAUX
Eh ! qui peut nous défendre, au plus haut de l'Éther,
De cet Oiseau terrible, ami de Jupiter,
Et des autres tyrans, dont les serres funestes
Atteignent notre vol dans les plaines célestes ?
LES POISSONS
Eh ! ne craignons-nous pas, sans compter les filets,
Dans les fleuves, la dent des voraces Brochets,
Dans l'Océan, la faim des immenses Baleines
Et des autres tyrans de ces humides plaines ?
Ces fabuleux discours de Poissons et d'Oiseaux
Vous instruisent, Lecteur, et m'instruisent moi-même.
Ainsi nous fabriqua l'Architecte suprême :
Nous voyons en autrui les biens, en nous les maux.
Les Oiseaux, les Poissons donnent un avis sage :
De ce double penchant qu'il serve à nous guérir :
Pour les autres gardons la pitié, le courage
Pour les maux que le Sort nous condamne à souffrir.