Tous les oiseaux chanteurs, un beau jour de printemps,
De l'imitation souffrant l'épidémie,
Avisèrent qu'il était temps
De créer une académie.
Hors de concours d'abord on mit le rossignol.
Qu'il ait la voix sublime et tendre,
C'est possible, mais nul de nous n'a pu l'entendre ;
Il chante quand la nuit enchaîne notre vol
Et ferme aux chansons nos oreilles.
Qu'il garde pour lui ses merveilles,
Dirent-ils gazouillant, chantant tous à la fois.
Or, bien commençons, puis : aux voix !
On fait un semblant de silence,
C'est la fauvette qui commence,
Chacun s'impatiente, on ne l'écoute pas,
Car chacun prélude tout bas.
Le merle en sifflotant babille,
Le pinson fredonne et sautille,
Le serin même, avec orgueil,
Se rengorge… Chacun reçoit le même accueil.
On consulte enfin l'assemblée :
Chaque juge reste interdit ;
Et l'on donne le prix, d'emblée,
Au linot qui n'avait rien dit.
Voter pour un rival, eût été condescendre
A perdre le prix mérité ;
Aucun d'eux n'avait écouté,
Tous songeaient à se faire entendre.
Symbole :
Ne pas chercher la gloire qui vient de l’estime prématurée des hommes, mais celle qui vient de l’honneur, cette conscience de la justice et du dévouement, qui tôt ou tard produira sa splendeur. Les hommes finissent par subir l’ascendant du génie et du talent ; mais ils le haïssent, parce que la passion et le tourment des faibles, c’est l’envie. La gloire pour eux n’est qu’un triomphe de l’égoïsme, parce qu’ils ne la comprennent pas autrement, égoïstes qu’ils sont. Toujours ils nient le dévouement et vont cherchant au sacrifice des héros de l’humanité quelque motif servile et infâme. Laissons-les dire ; ils veulent parler sans savoir et ne veulent pas écouter. Ils couronnent volontiers la nullité qui ne leur fait pas ombrage. N’ayons pas besoin de leurs couronnes ; il faudra bien qu’un jour ils les apportent sur nos tombeaux. Et quand ils devraient se tromper encore de tombeaux, qu’est-ce que cela ferait à nos cadavres ? qu’est-ce que cela ferait surtout à nos âmes, si, comme nous n’en doutons pas, nos âmes survivent aux erreurs de la terre ? Aimons le bien pour le bien, la science pour la science, le beau pour le beau, la vérité pour la vérité. Croyez-vous qu’Homère ait composé ses admirables poèmes en vue de l’aumône dont il avait pourtant besoin ? Les villes de la Grèce se renvoyaient sa misère, elles se sont disputé sa naissance et son nom, et l’on ne sait pas bien laquelle lui a rendu les honneurs suprêmes et a mérité de posséder ses restes.
Laissons, disait le Christ, laissons les morts ensevelir les morts. Cherchons d’abord le règne de Dieu et sa justice ; tout le reste est du superflu.