J'ai des ailes comme un oiseau,
Et des yeux bleus comme une femme.
Mon front porte un astre de flamme ;
Je suis toujours joyeux et beau.
Les plis de ma robe azurée
Reflètent le vaste empyrée.
J'ai pour sceptre un lis toujours blanc,
Je console l'enfant qui pleure,
Je ramène dans sa demeure
Le pauvre agneau faible et tremblant.
Mon existence est un cantique,
Mon palais le ciel magnifique,
D'astres d'or toujours diapré.
Le soleil est mon auréole,
Sous mes pieds la lumière vole
Comme une beau nuage doré.
Du bonheur je suis le doux rêve,
Je suis le blond conseiller d'Eve
Qu'elle n'écouta pas toujours ;
Je suis l'idéal des amours ;
Je suis le mystique peut-être
Et ce que l'homme voudrait être.
Mais toute empreinte à son revers,
Au visage charmant et rose
Répond la vieillesse morose ;
Le malheur parcourt l'univers
Porté sur l'aile taciturne
De l'oiseau vorace et nocturne.
Et voici venir l'ange affreux,
Le nègre au visage hideux,
Aux cornes toujours menaçantes,
Aux dents livides et grinçantes !
Il me suit toujours pas à pas,
Où je fais fleurir l'espérance
Il traîne aussitôt le trépas ;
Ils s'applaudit de la souffrance.
Enfants, ne le redoutez pas :
Contemplez toujours ma lumière,
Sans jamais regarder derrière.
Il faut à l'astre étincelant
Un repoussoir funèbre et sombre :
Suivez-moi, je suis l'ange blanc,
Et l'ange noir n'est que mon ombre !
Symbole :
Ne pas accorder d’existence réelle au mal. Dieu, en effet, ne le veut pas ; la nature le repousse, la douleur proteste contre lui. Les créatures raisonnables ne peuvent le vouloir. L’harmonie universelle ne lui laisse pas de place. La vie triomphe sans cesse de lui comme de la mort. Satan ne saurait donc être un roi : c’est le dernier des esclaves de la fatalité qu’il a voulue. La réprobation éternelle du mal est dans le triomphe éternel du bien. L’ordre remédie au désordre par le supplice, et le supplice même est un bien, puisque c’est un remède. Le mal, d’ailleurs, se condamne et se détruit lui-même. Dieu le voue au supplice éternel. L’orgueil est un diadème de honte, la luxure un avortement du plaisir ; l’avarice est le culte de la misère. Les voies du mal sont larges au commencement, mais elles se rétrécissent à mesure qu’on avance et finissent par l’étouffement, par l’écrasement prolongé de leur victime. Ce sont bientôt des impasses où il faut périr si l’on n’a pas la vaillance et la force de se retourner. On dit, pour prouver l’existence d’une autre vie, que les méchants peuvent être heureux en ce monde. Cela n’est pas vrai : les méchants sont les derniers et les plus malheureux des hommes.