Toi dont Europe entière écoute l'harmonie,
Chantre d'Elvire, beau génie,
Pourquoi sommeilles-tu souvent ?
Ce qu'on pardonne au vieil Homére
Ne pense pas qu'on le tolère
Encor dans notre âge savant.
Mais du conseil tu ris sans doute,
Et peut-être du conseiller.
Sur ses propres défauts saura-t-il mieux veiller ?
Lui ? Ce n'est pas la peine. Ecoute :
Au bord du Tibre un jour Michel-Ange rêvait,
Dans les champs égaré, seul avec sa pensée,
Et chemin faisant poursuivait
Quelque grande œuvre commencée.
Il voit un Pécheur prés des eaux
Qui sans compas, sans règle, architecte inhabile,
De bois grossiers, de vils roseaux
Bâtissait sa maison fragile.
It sourit ; c'était de son art
L'essai sans forme et sans mesure.
Que d'erreurs blessaient son regard !
Le voilà qui s'enflamme ; il conseille, il censure,
Tl donne à mon Pécheur leçon d'architecture.
« Ceci n'est pas d'aplomb ; cet angle n'est pas droit ;
Ce jour veut être moins étroit ;
De tes piliers entre eux mesure la distance. »
L'autre lui répondit ; « Pourquoi tant de science ?
Ce soir mon toit s'achèvera :
Demain peut-être la rivière
Ou l'orage l'emportera.
La règle ! le compas ! C'est fort bien à Saint-Pierre.
Allez à Michel-Ange offrir ces beaux conseils.
Il en usera s'il est sage.
Car les défauts chez ses pareils
Sont immortels comme l'ouvrage. »
Michel Ange sourit. « Merci, mon doux prêcheur. »
Et puis, en le quittant, il l'embrasse ; il se nomme.
Peut-être Saint-Pierre de Rome
Serait moins beau sans le Pécheur.