Un manant, qui pêchait le long d'une rivière,
Donnait en même temps la chasse aux oisillons :
Il comptait mieux par là garnir sa gibecière.
On eût ri de voir sa manière :
De peur d'éloigner les poissons,
Il n'oserait marcher ; sur la terre il se traîne,
Et retient jusqu'à son haleine ;
Puis, sur ses talons redressé,
Dans l'attitude d'un vrai gille,
Bouche ouverte, corps avancé,
Comme un terme il reste immobile.
Mais quel son l'a frappé? c'est le chant d'un oiseau.
--Bon, bon ! laissons dormir ma ligne au fond de l'eau
Pour épier la volatile.
C'est une perdrix, de par Dieu !
La chair est fine, délicate ;
Vite, amorçons. -En joue, et feu ;
Mais par malheur son fusil rate :
Dame perdrix s'envole, et le Chasseur confus
La suit en vain de l'œil ; il ne l'atteindra plus.
Revenant au peuple de l'onde,
Il a repris sa ligne, il épie à la ronde,
On ne mord point à l'hameçon.
De la tanche au faisan, de l'anguille à la caille,
Il passe tour-à-tour. Qu'obtient-il ? Rien qui vaille :
Pas un oiseau, pas un poisson.
Cependant la nuit tombe ; il faut quitter la place,
Et le diable toujours loge dans sa besace.
Alors, jetant de rage et ligne et mousqueton :
- Pour réussir, dit-il, on doit moins entreprendre,
Et le proverbe a bien raison :
Tout échappe à qui veut tout prendre.