VENUS était une très- bonne femme
Elle n'aimait qu'à faire des heureux ;
C'est très-bien fait, et Dieu veuille avoir l'âme
Des belles dont le cœur est aussi généreux.
Si dans le monde il est quelques contraintes,
Si les mortels ont des sujets de plaintes,
Ce n'est sa faute, et je puis l'attester.
Je pourrai même vous conter,
Si vous voulez, d'où naquit l'inconstance,
Péché fort grave ; et très-commun en France :
J'aurai dit en trois mots, si l'on veut m'écouter.
Quand la déesse de Cythère,
Par les baisers de Mars, eut rendu Vulcain père
De cet enfant malin, ennemi du repos,
Qui nous fait tant de bien, et souvent tant de maux ;
Le destinant au bonheur de la terre,
Elle voulait qu'il fût doux, vif, gai, bienfaisant,
Ardent, aimable, tendre et jamais inconstant :
Elle prit à deux tourterelles
Quelques plumes pour le parer :
Conduit par ces oiseaux fidèles,
L'Amour ne devait pas craindre de s'égarer.
Vous concevez qu'avec de pareils guides,
Point ne faisait de ces tours si perfides
Que trop souvent depuis il nous joua.
On ne volait de la brune à la blonde,
Honneur et bonne foi menaient alors le monde,
Et ce fut l'âge d'or que cet heureux temps-là.
Or, voici comme tout changea.
Un jour, hélas ! ce jour est de trop dans sa vie,
L'Amour suivi des Ris, des Jeux et des Plaisirs,
Rencontre de jeunes Zéphirs
Accompagnés par la Folie.
(De la mauvaise compagnie
Voyez un peu, mes amis, le danger !)
De plumes avec lui les Vents veulent changer :
Pour s'amuser, l'Amour accepte la partie,,,,,
Ases Mentors ce troc semble innocent ;
Tout en riant, ils changent d'ailes ;
Et voilà dans le même instant
Les Zéphirs devenus fidèles,
Et l'Amour devenu plus léger que le Vent.
Le jeu lui plaît ; les tourterelles
Le rappellent en vain par de plaintifs accents ;
Il s'envole, et depuis ce temps
Fait enrager toutes les belles,
Et lutine tous les amants.
Ces Vents constants, ces auteurs de nos peines,
Sont les Vents alizés, dont les douces haleines
Offrent aux voyageurs un utile secours.
Or, il est, mes amis, écrit qu'un de ces jours
Ils reprendront chacun leurs ailes ;
Tant que n'apprendrez point ces heureuses nouvelles,
N'espérez pas voir de constants amours.
Titre : L'Amour et les Vents Alizés ou l'Origine de l'Inconstance