La Rose et l'Épine

Jean-Nicolas Bassenge (1758 - 1811)


Dans un réduit, où Flore avait sa cour,
Où Zephir amoureux visitait la donzelle,
Où les fleurs à l'envi s'efforçaient tour-à-tour
De parfumer l'air autour d elle :
Au milieu des rosiers, son plus brillant espoir,
Etalant sa piquante épine,
La ronce osa se faire voir.
On la reconnait à sa mine ;
Elle est dénoncée, et soudain
Arrive l'argus du jardin,
Condamnant jusqu'à sa racine.
Las ! l'instrument de sa ruine,
Le fer fatal est dans sa main.
Arrête, lui dit-elle, ai-je pu te déplaire ?
Ces arbrisseaux, mes frères, sont témoins
Que je vis avec eux paisible, solitaire ;
Tu me marques dans ta colère,
Pour eux tu prodigues les soins.
Ces dards aigus, dit-on, dont mon corps se hérisse,
Allument ton courroux… ce serait injustice :
Eh ! mes frères en ont-ils moins ?
Voudrais-tu régner par caprice ?
Tu t'égares, ma chère, en discours hors de sens,
Répond l'homme à la serpe ; oui ces traits malfaisants
Que tu crois les auteurs du sort qu'on te destine,
Ils les ont comme toi ; mais comme eux, tu n'as pas
Et ces brillantes fleurs aux parfums délicats,
Et ces boutons si frais, si pleins d'appas…
Comme eux, donne la rose ; on passera l'épine.





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