Le Pêcheur et la Truite Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Le long des bords d'un clair ruisseau,
Un pêcheur, promenant ses pensers homicides,
A travers les eaux limpides,
Aperçut le fin morceau
D'une jeune et belle truite
Qui méritait sa poursuite,
Et digne de Gorçelet,
Bien tachetée,
Bien saumonée.
Or le coup était bon. Mais il n'était pas fait...
Tout en préparant son filet
Il vint, à mon homme, en l'idée,
De l'amuser par de beaux mots,
En lui contant ces doux propos :
Quelle est belle, bonne et qu'il l'aime .
Comme lui-même ;

Tout ce qu'on dît en cas pareil.
De la raison, prenant conseil,
La dame, qui n'était ni vaine, ni coquette,
Lui répondit : « Pêcheur, je te connais ;
Tu ne vois que tes intérêts.
Dans tes discours, que j'interprète,
Je ne trouve rien d'étranger :
Belle veut dire appétissante.
Bonne équivaut à succulente,
Je t'aime à je veux te manger.
Je traduis ainsi l'héroïsme
De ton amour :
C'est un détour,
Et simplement de l'égoïsme,
Va, beau pêcheur, tu n'auras rien,
Passe ton chemin, moi, le mien. »

Fables nouvelles, Livre V, Fable 15, 1851




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