Le Pêcheur vengé Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Dans la rigoureuse saison,
Un malheureux pêcheur, pour chauffer sa maison,
Ou, pour mieux dire, sa cabane,
En bottes avait mis des feuilles de platane.
C'était près d'un château
Et sur le bord de l'eau
Où souvent le pauvre homme amarrait son bateau,
i Quoi ! lui dit lé propriétaire,
Tu dérobes ainsi mon bien !
Va-t-en ; maraud, n'emporte rien. »
Et puis, d'un coup de pied lancé, dans sa colère,
Il jeta les fagots au cours de la rivière.
Le malheureux* en gémissant,
S'en alla sans oser rien dire.
Le lendemain, on vient l'instruire
Qu'un homme, dans les flots, court un péril très-grand.
(Du seigneur c'est le fils unique).
Sans faire la moindre réplique,
Homme de cœur bien plus que de discours,
Le pêcheur vole à son secours.
Arrivant au rivage
Il met bas son habit,
Et, par un généreux courage,
Sauve l'infortuné qui dans les eaux périt.
« Insensé que j'étais ! j'insultai ta misère,
Dit, en l'embrassant, le seigneur :
Parle, mon ami, c'est un père
Qui désormais t'ouvre son cœur
Et veut rendre ton sort prospère.
Rejoignons mon castel, fouille dans mon trésor,
A pleines, mains puises-y l'or ;
Tu m'as rendu l'enfant que j'aime,
Sois donc riche autant que moi-même ! »
« Merci, dit le pêcheur, et puisque le remords
Vous a fait comprendre vos torts,
Le cri de votre conscience
Suffit à ma vengeance. »

Fables nouvelles, Livre V, Fable 8, 1851




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